Asseyez-vous, je vous en prie. Vous ferez le monde. Le monde attire le monde. Le monde sert d’appât. Il n’y a encore personne sur les chaises. Personne. Comme lors des premières représentations de cette pièce de Ionesco : Les Chaises commença par un insuccès total. « Personne sur la scène, personne dans la salle, c’est magnifique », disait à son propos Arthur Adamov, dont l’œuvre théâtrale se rapproche de celle de Beckett et du fameux académicien d’origine roumaine. Le succès de ce dernier est aujourd’hui considérable. Ici, les chaises sont bleues, sans être toutes pour autant les chaises bleues de Nice. Des chaises sont blanches, d’autres noires. Comment seront les personnes qui s’assiéront dessus ? Leur couleur sera-t-elle adaptée à l’environnement chaisique ? Y aura-t-il aussi des coiffeurs ? Y aura-t-il une cantatrice ? Sera-t-elle chauve, avec la manie de se coiffer toujours du même côté ? Y aura-t-il un professeur et son élève pour suivre la leçon ? Y aura-t-il un semeur ? Y aura-t-il un roi qui se meurt ? Un rhinocéros ? Qu’il casse le matériel, et ce serait féroce ! Et si les invités étaient tout simplement invisibles ? Pardon ? La petite chaise, oui, là, aurait été apportée par Chagall. On dit qu’il ne savait qu’en faire ! Mais que ne dit-on pas ! Attention à la tête : d’autres chaises arrivent qui, comme la pluie, tombent du ciel. Méfiez-vous de celle-ci, prenez plutôt celle-là, qui est au soleil